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Antar Mouna

Le silence intérieur

Quand vous vous concentrez et essayez de calmer les tendances vagabondes de votre esprit, parfois vous vivez cela de manière contraignante. A cause de cette contrainte, vous avez mal à la tête ou ailleurs. Par conséquent, tout en pratiquant la concentration, il vous faut trouver une méthode grâce à laquelle il n’y aura plus de contraintes. Tout comme une personne fatiguée va au lit, s’endort et ne lutte pas pour trouver le sommeil, il existe différentes méthodes de réalisation de la concentration (Dharana) et de la méditation spontanée (Dhyana).

La première et peut être la plus facile méthode de concentration est le chant. Quand nous commençons trop brusquement, l’afflux de sang augmente brutalement vers le cerveau. Diverses pensées hantent l’esprit et entravent la méditation. Toutes les impressions, sensations et actions de la journée se précipitent à la surface de l’esprit. Si vous voulez méditer sur om, vous souhaitez naturellement que rien d’autre que om ne vous vienne à l’esprit, mais pour différentes raisons, vos expériences quotidiennes viennent à vous au cours de votre méditation. Pour éviter cela, vous devez pratiquer dans les premières heures de la matinée.

Vous devez éviter le moment de la soirée où la somnolence s’empare de vous, le meilleur moment reste le matin entre 4h et 6h.

Certaines personnes parviennent à méditer le soir tard. Cela peut être bon pour eux, mais vous devez l’expérimentez aussi et vous rendre compte qu’il y a une certaine tension que l’on ressent dans le cerveau. En fait la méditation devrait être spontanée, il ne devrait y avoir aucun effort à pratiquer. Si vous pratiquez dés le départ de cette façon, alors vous n’aurez aucune difficulté à continuer.

A cet effet, la première pratique consiste à établir le silence intérieur. Atteindre le silence intérieur demande de nombreuses étapes progressives. Au départ, vous vous battez avec vos pensées pour essayer de rester impartial. Si elles viennent à l’esprit, il faut les laisser faire. Les yeux fermés, vous restez un témoin de ces diverses pensées et n’essayez pas, consciemment, de contrôler les processus de pensées. Observez-les tout simplement.

Ne soyez pas dérangés quand différentes pensées vous submergent. N’essayez ni de stopper ni d’éliminer ces pensées. Il suffit de fermer les yeux et de devenir témoin. Sentez comme si ces pensées passaient devant vous à la manière d’un train de marchandises aux multiples wagons.

Mais pourquoi essayer d’établir le silence intérieur ?

Ci-dessous quelques lignes pour y réfléchir :

Le Silence

« Quand, dans une réunion, un homme ne dit rien alors que tout le monde parle, on n'entend plus que lui. »

« Dès que le silence se fait, les gens le meublent. »

Raymond Devos

Denis Diderot commence ainsi l’un de ses livres :

« Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ?

Le maître ne disait rien ; … » (Denis Diderot : Jacques le Fataliste et son maître)

et le disciple disait que le silence lui pesait.

Le Disciple : Maître, pourquoi rester silencieux ?

(Long silence)

Le Maître : Mon fils, tu viens de vivre le silence et la réponse à ta question est tout entière contenue dans ce que tu as ressenti.

Le Disciple : Maître, ta parole est sage et belle, mais je ne suis pas suffisamment avancé encore sur le chemin de la Sagesse pour comprendre.

Le Maître : Pour comprendre il est d’abord nécessaire de ressentir !

Le Disciple : Même cela, je ne le puis qu’imparfaitement. Parle-moi du silence !

Le Maître : De quel silence est-il question dans ta bouche ?

Le Disciple : Y a-t-il plusieurs silences ?

Le Maître : Certes… Réfléchis… Il y a le silence de tes oreilles et le silence de ta bouche. Il y a le silence que tu entends — tu es alors source de bruit entourée de silence — et le silence que tu émets, et tu es alors source de silence, fut-ce au milieu du plus grand bruit. Et ces deux formes de silence ne sont pas identiques. Et la seconde seule est active, seule elle est positive.

Le Disciple : Est-ce pour cela que tu m’interdis la parole ?

Le Maître : Sans doute. Mais détrompe-toi quant à l’apparence de cette interdiction. Contrairement à ce que tu sembles penser, le silence que je t’impose n’est en aucun cas une brimade. Tu y as d’ailleurs librement consenti. C’est un outil permettant ton évolution vers la lumière. Encore faut-il que tu réussisses à le percevoir ainsi pour le mieux vivre.

Le Disciple : Et comment puis-je y parvenir ?

Le Maître : Considère ce silence comme une tentative de mise en harmonie de tout ton être avec le cosmos.

Le Disciple : De tout mon être ?

Le Maître : Certes. Car le silence efficace n’est en aucun cas un état passif. C’est une action positive, c’est une écoute attentive de l’autre, de l’environnement, de l’Univers. Le silence ainsi vécu possède une profonde signification symbolique. C’est une force. Il permet de recréer en soi l’Unité primordiale. Il n’est pas un non-bruit mais un état de mise en communion.

Le Disciple : Avec tous ?

Le Maître : Avec tous ceux qui y sont suffisamment sensibles, tout au moins. Dans certaines assemblées, il participe à l’éclosion de l’égrégore.

Le Disciple : Maître, ton enseignement m’ouvre des portes insoupçonnées.

Le Maître : Je ne t’ai ouvert aucune porte. Tout au plus t’ai-je indiqué leur existence et leur emplacement. Toi seul les as ouvertes. Mais puisqu’il en est ainsi, écoute ce que R.A. Schwaller de Lubicz nous dit :

« Ne parle pas, médites ! N’écoute pas, entend ! Ne regarde pas, vois ! Ainsi, tu entendras le langage de toute la nature à travers tes oreilles et à travers tes yeux.

Tu entendras à travers tous tes sens et tout ton être… Abolis ton savoir, et tout en toi s’ouvrira pour recevoir la connaissance… Ne cherche pas à transmettre ta pensée, ta conscience : contente-toi de chanter suivant ton rythme et suivant ton harmonie. Celui qui est « vrai » t’entendra. » (R.A. Schwaller de Lubicz, AOR L’appel du feu, Editions Aquarius, pp 28-29)

Le Maître et le Disciple méditèrent ces paroles en silence durant quelques instants.

Le Maître : Toute la puissance symbolique du silence est contenue dans ces paroles. Le silence est avant tout l’écoute attentive, l’acte de respect profond à l’autre ; c’est, par excellence, l’outil qui permet de communiquer avec les êtres vrai qui nous entourent. Ce n’est pas une absence de paroles par inattention, mais une action forte. Il est certains silences assourdissants. Cette qualité du silence doit faire pénétrer en nous, au plus profond de notre cœur, la certitude qu’il est plus important de laisser l’autre s’exprimer plutôt que d’étaler, souvent inutilement, nos propres idées. Paraphrasant un dicton célèbre je dirai : « les paroles s’envolent, mais les silences restent ! »

Le Disciple : Maître, il me souvient des vers célèbres d’Alfred de Vigny, à propos du silence, dans son poème « La mort du loup ». Permets que je te les récite :

« Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d’Hommes,

Que j’ai honte de nous, débiles que nous sommes !

Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,

C’est vous qui le savez, sublimes animaux.

A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse,

Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse. »

Le Maître : Mon fils, es-tu bien certain que cette évocation d’une certaine forme de silence soit en harmonie avec nos propos ?… Ne me réponds pas. Tu chercheras en ton cœur et la réponse t’appartiendra. Mais puisque tu souhaites t’appuyer sur des textes, lis ces quelques lignes exposant un des aspects de la sagesse égyptienne :

La vertu première de la recherche intérieure est le silence. Tout homme qui parle d'abondance, se met en valeur et durcit sa personne. Dès lors, il s'isole de l'Harmonie universelle :

« Garde-toi d'élever la voix dans la Maison (de Dieu, car) Dieu aime le silence. ».

Le beau parleur finit sa vie dans la solitude et l'isolement de l'âme, tandis que le silencieux est comparable à une plante grandissant en pleine lumière:

« Le violent, dans le temple, il est comme un arbre qui prospère à l'intérieur (d'une maison sans lumière). Ses pousses ne bourgeonnent qu'un instant. Le vrai silencieux, il se met à l'écart. Il est comme un arbre qui prospère (à l'air libre) sur un sol lumineux. »

Tel est le secret du silencieux : il grandit parce qu'il s'écoute. Il sait que l'Harmonie universelle — la Maât — est autant hors de lui qu'en lui-même. Dès lors, il en prend mieux conscience :

« Maât est dans mon corps ! ».

Quelle phrase pourrait mieux démontrer que l'ancienne Egypte a découvert ce que les mystiques modernes appellent l'Etre intérieur ? Par la voie de l'intuition — et pour la première fois dans l'Histoire des civilisations — l'homme perçoit le principe divin qui l'habite. Il éprouve que :

« le coeur (= la conscience) de l'homme est son propre dieu, et il s'affirme le témoin de l'expérience spirituelle :

« J'ai connu le dieu qui est en l'homme; j'en ai été conscient ! ».

En fait, cette forme de pensée n'est plus religieuse : elle échappe aux obligations du culte, et leur préfère une perception immédiate du Divin en soi. (Professeur Max Guilmot, Connaissance et Intuition, Réponse de l’Egypte Ancienne, Servranx, 1991.)

Et maintenant, écoute cet extrait des paroles du Zohar :

« Rabbi Siméon dit : Eléazar, mon fils, cesse de parler pour que se révèle le clos du secret suprême ignoré des fils du monde. Rabbi Eléazar se tut…

(Longtemps après) Rabbi Eléazar dit : Mon silence a édifié le Temple de l’En-haut et celui de l’En-bas. Car « si la parole vaut un sélah, le silence en vaut deux ».

« La parole vaut un sélah », en l’occurrence mon exposé et mes remarques, mais « le silence en vaut deux » puisque grâce à mon silence, deux mondes ont été créés et construits simultanément » (Le Zohar, tome I, Editions Verdier, pp 33 à 35)

Je te laisse le soin de faire l’effort nécessaire à la lecture et à la compréhension du texte tout entier. Et souviens-toi de cette promesse :

Quand le disciple est prêt, alors paraît le Maître.

Le Disciple : Maître, ta parole est Lumière, et « tout le reste est silence ». (William Shakespeare, Hamlet)

Antar Mouna
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